MIKE TYSON

INTERVIEW MIKE TYSON

Dans les meilleurs et les pires moments, sur le ring et en dehors, il a toujours eu l’obsession du style. À 56 ans, Mike Tyson raconte enfin ses goûts, ses folies, ses superstitions, ses rencontres, ses dépenses, et même ses hontes. Vertigineux.

Par Raphaël Malkin, à Boca Raton, Floride.
Article publié dans le numéro 10 de L'Étiquette.

À la toute fin de son célèbre De la boxe, court essai regroupant des articles publiés au cours des années 1980, Joyce Carol Oates, figure tutélaire de la littérature contemporaine, dit du noble art qu’il est le « théâtre tragique de l’Amérique ». Sur la scène de ce théâtre, elle place aussi un homme, un seul. « Son style sans équivoque sur le ring laisse à penser que ses griefs ont la force d’une catastrophe naturelle. En le regardant, on pense à cette vieille idée de la colère divine », écrit Joyce Carol Oates au sujet de Mike Tyson.

Ce dernier vient tout juste de rafler, par K.O. et rien d’autre, cinq titres consécutifs de champion du monde des poids lourds entre 1986 et 1990. Bardé de ces ceintures, il est une icône américaine. La suite sera ponctuée de bagarres, de drogues, d’arriérés d’impôts, de procès et de 3 ans de prison pour viol... Mais Mike Tyson ne cessera jamais de captiver un pays accroc aux destins chaotiques, et complexes. Dans la culture populaire américaine, il est évidemment le boxeur et le champion. Mais il est aussi le loser au zozotement enfantin et au tatouage honteux. Ces dernières années, contre toute attente, Mike Tyson est même devenu un drôle d’entrepreneur, à la tête d’un podcast très écouté, d’une boîte de cannabis légal et, un temps, à l’affiche d’une tournée de stand-up aux manières de grande confession.

Au fil de ses transformations, Mike Tyson a toujours eu l’obsession des apparences. Hier, il incarnait un bling-bling fier et sans scrupules, habillé au millimètre, frayant avec le grand monde, devant l’objectif de Bruce Weber, aux côtés de son ancienne fiancée Naomi Campbell ou à la table de son grand ami Gianni Versace. Aujourd’hui, toujours aussi fier, Mike Tyson s’affiche en costume trois pièces à la moindre occasion. Ce jour-là, confortablement lové sur le grand canapé blanc de sa villa, il feuillette un beau livre dans lequel s’enchaînent les photos en noir et blanc de sa jeunesse. « Regardez, j’étais quand même le mec le plus stylé du monde. Je l’ai toujours été », dit-il.

L’ÉTIQUETTE. Pourquoi ne portiez-vous que du noir sur le ring ?
MIKE TYSON. Ça a toujours été comme ça, dès mes débuts en pro, à 18 ans. Le noir, c’était harmonieux et en même temps, c’était très dur. Ça voulait dire que j’étais féroce, flippant. Ça montrait que je n’avais rien à faire des mecs d’en face, avec tout leur apparat flashy. Quand la cloche du premier round sonnait, je devenais un vrai enfoiré.

É. Vous aviez une routine particulière au moment de vous habiller avant le combat ?
MT. J’arrivais dans le vestiaire avec une heure d’avance. Je m’allongeais sur la table de massage ou par terre pour faire une sieste, et je m’habillais à la dernière minute. C’était toujours la même chose. Mon short, c’était un Everlast très basique. Mes chaussures, elles étaient fabriquées à la main par un chausseur de New York, T.O. Dey. Et je ne mettais jamais de chaussettes. Quand j’étais gamin, dans les rues de Brownsville, à Brooklyn, je n’avais pas de chaussettes, ni même de lacets à mes baskets, c’était mon truc, un fashion statement... Après, de manière très méticuleuse, on me bandait les poings, puis j’enfilais mes gants. J’étais prêt. Chez moi, tout était vraiment brut, sauvage. Ce qui comptait, c’était de cogner et rien d’autre. Mais après le combat, quand venait l’heure de la conférence de presse, je faisais toujours en sorte d’être chic. La guerre était finie.

É. Comment se sont forgés votre style et votre goût pour la mode ?
MT. Ça ne vient pas de mes parents. Je suis issu d’une famille qui n’avait rien et j’étais habillé comme un souillon. Mais j’ai grandi en rêvant, dans mon coin, de ressembler aux gamins des écoles privées de New York. Je voulais être comme eux, je voulais être le mieux habillé de Brooklyn. Vous voulez que je vous raconte une histoire ?

É. Bien sûr.
MT. C’est un truc important pour me comprendre... Je devais avoir 11 ou 12 ans, je passais mon temps à m’occuper de pigeons dans un refuge de mon quartier (Mike Tyson a toujours eu la passion des pigeons, « ils ont été ma première passion amoureuse » dira-t-il même, ndlr). Un jour, des gars plus vieux que moi qui traînaient dans le coin m’ont proposé d’aller à une fête avec eux. J’ai dit oui directement. Pour moi, c’était une première – les seules occasions que j’avais de sortir d’habitude, c’était pour aller à l’église avec ma mère. Mais il y avait un souci, je ne ressemblais vraiment à rien. À cause des pigeons, j’avais des plumes et des traces de fientes partout sur moi. Il fallait que je rentre chez moi, que je me douche et que je me change, au moins pour être propre. On m’a dit que je n’en avais pas le temps. Quand j’ai débarqué là-bas, tout le monde s’est fichu de moi. Ils étaient des dizaines à ricaner sur mon passage, j’avais l’impression qu’ils étaient des centaines... Les gens se demandaient qui était ce pouilleux. Je me suis mis à rire aussi, mais en vrai, c’était pour cacher mes larmes. J’avais honte. Un grand s’est alors approché de moi. Il m’a donné rendez-vous le lendemain au refuge pour pigeons. Je me suis présenté à l’heure dite, et il m’a emmené avec lui cambrioler des maisons du quartier. Puis, avec l’argent récupéré, on est allés m’acheter de beaux vêtements. Ce type m’a appris à me fringuer. Il m’a initié à la mode. Quand je suis retourné faire la fête à l’endroit où on s’était moqué de moi, les gens ne m’ont pas reconnu. Je n’étais plus le petit pouilleux de la dernière fois, ils pensaient que j’étais quelqu’un d’autre. J’avais un beau jeans, des baskets neuves et un polo. Soudainement, on m’admirait. Il faut que vous compreniez une chose : de mon temps, à Brooklyn, vous n’obteniez le respect qu’à la condition d’avoir du style.

É. Vous avez beaucoup volé pour vous acheter des vêtements ?
MT. Ça nous est arrivé pas mal de fois. On braquait des pavillons avec mes amis. On piquait aussi dans les magasins et puis on faisait les poches des gens dans le bus. On était tout-terrain. Avec ce que je piquais, j’achetais des tas de jeans : des Lee, des Jordache et des Gloria Vanderbilt... C’étaient les années 1980. Je ne pensais qu’aux vêtements, je parlais de mode sans arrêt. Vous ne vous rendez pas compte, c’était dingue.

É. Puis la boxe est devenue plus importante et vous avez emménagé chez votre entraîneur, Cus D’Amato, au nord de New York. Votre style a changé à son contact ?
MT. Moi, mes idoles de jeunesse, c’étaient les gangsters, les hors-la-loi comme le cowboy Billy the Kid. Mais pour Cus, Billy the Kid, c’était un clochard qui ne ressemblait à rien, avec des vieux foulards et des manteaux rapiécés. Il était désespéré que je me passionne pour lui. Cus disait qu’il fallait avoir l’air respectable en toute circonstance. Il ne jurait que par les costumes. Quand je n’étais pas sur le ring, il voulait que je sois toujours bien habillé. Un jour, pour lui faire plaisir, je me suis pointé avec une super veste. Il m’a demandé d’où elle venait, et je lui ai répondu que c’était un ami qui me l’avait offerte. « Il doit avoir beaucoup d’argent, ton ami ! » En vérité, j’avais simplement payé quelques dollars un type pour qu’il me vole la veste dans un grand magasin.


É. Que vous êtes-vous offert avec les cachets de vos premières victoires sur le ring ?
MT. Lors d’un voyage à Londres, j’ai acheté une chaîne en or pour 500 000 dollars chez le bijoutier Graff. C’était quand même pas mal, pour l’époque. Pour les fringues, quand je voulais être casual, j’allais chez Dapper Dan, sur la 125e rue, à Harlem. J’aimais traîner là-bas, parmi les gangsters, les dealers et les rappeurs, c’était la culture de la rue. Je me pointais généralement dans sa boutique en pleine nuit, vers 3 ou 4 heures du matin, à la sortie d’une boîte, un peu défoncé. Il y avait toujours des gens qui s’affairaient chez lui. J’entrais et je disais : « Est-ce que mon paquet est prêt ? » Je pouvais lâcher 10 000 dollars d’un coup. D’autres fois, je ne payais pas. J’ai fini par avoir une ardoise de près de 25 000 dollars chez Dapper Dan. Je ne l’ai remboursé qu’au bout de plusieurs années. Sorry, Dan. Quand les gens me voyaient avec du Dapper Dan sur les épaules, ils me demandaient si c’était du Gucci. Tout fier, je leur répondais que ça venait de Harlem, New York. À cette époque, je me foutais d’être sponsorisé par une marque. Jamais je n’aurais porté des vêtements que je n’aimais pas. Impossible. C’était mon image qui était en jeu.

É. Pourquoi c’était si important ?
MT. Toujours ce truc de Brooklyn. Le respect passe par les fringues. Moi, je voulais qu’on sache que j’avais de l’argent sans que j’aie à le dire, et il n’y avait rien de mieux que le style, pour ça...

É. Chez Dapper Dan, il y a surtout eu cette fameuse bagarre avec votre rival Mitch Green, une nuit de 1988.
MT. J’étais bon copain avec les gars de Public Enemy et, pour l’un de leurs concerts à New York, j’avais prévu de mettre une veste portant dans le dos une large broderie qui disait « Don’t Believe the Hype », l’un de leurs titres les plus connus. Dapper Dan devait la fabriquer. Un soir, très tard, j’ai débarqué à Harlem au volant de ma Rolls-Royce pour récupérer mon paquet. Au coin de la rue, je suis tombé sur Mitch Green, qui traînait là tous les jours. Mitch Green, c’était un célèbre boxeur du Bronx que j’avais difficilement battu quelques mois plus tôt lors d’un combat au Madison Square Garden. Après la défaite, sa carrière avait un peu piqué du nez... Il est venu directement me chercher des noises. Il pensait que je n’avais pas mérité ma victoire, qu’il était toujours plus fort que moi, ce genre de conneries. Et puis il s’est mis à m’agripper par la ceinture. J’ai cru qu’il voulait me faire les poches, alors je suis devenu extrêmement violent. Je lui ai envoyé un coup de poing en pleine poitrine. Il s’est écroulé par terre, et j’ai continué à le cogner. Je n’aime pas quand les gens essaient de me prendre quelque chose. C’est comme un réflexe, je me transforme. Je crois que c’est lié à mon enfance, quand on me frappait pour me faire les poches. Mitch Green était dans un sale état. Mais vous savez ce qui était le plus important, pour moi, ce soir-là ? Mes vêtements étaient impeccables malgré la bagarre.

É. À ce propos, vous dites que porter du rose vous donne envie d’en découdre.
MT. Le rose a une réputation particulière : d’ordinaire, on l’associe à quelque chose de féminin, de vulnérable. C’est faux. Il y a des siècles, le rose, comme le pourpre d’ailleurs, était la couleur des dynasties royales. C’est une couleur très virile. C’est celle des gens sans peur, des guerriers et des tueurs. Quand je porte un costume rose, ce qui arrive de temps en temps, c’est vrai, j’ai immédiatement envie de me battre. J’ai l’impression d’être un bad motherfucker. Je me sens fort, prêt à tout. Je suis la pire des panthères roses.

É. À cause de votre gabarit d’athlète, a-t-il été compliqué pour vous de trouver des costumes à la bonne taille ?
MT. Moi, je voulais avoir l’allure d’Arnold Rothstein, le gangster juif de New York qui a truqué les championnats de base-ball en 1919, ou bien celle de Lucky Luciano, qui a fondé les grandes familles mafieuses de la ville. Je lisais tout ce que je pouvais trouver à leur sujet afin de savoir ce qu’ils portaient. Quand j’ai commencé à avoir de l’argent, je me suis fait faire des costumes en tweed ou en laine sharkskin bien brillante. J’allais sur la 47e rue ou sur Canal Street, chez des tailleurs du quartier. Le haut de mon corps était bien plus épais qu’aujourd’hui, ce n’était pas facile de m’habiller. Je gueulais toujours : « Fais comme ça ! Non, pas comme ça ! » Au fil des victoires, je me suis mis à dépenser de plus en plus d’argent dans les costumes, et j’ai fini par découvrir Gianni Versace, complètement par hasard, dans une boutique où j’avais mes habitudes à Atlantic City, la ville des casinos, dans le New Jersey. Un jour, le patron, un Italien, m’a fait essayer un costume extraodinaire. Pour la première fois, je me sentais vraiment bien dans un costume de prêt-à- porter. J’ai demandé d’où il venait et mon ami m’a sorti le nom de Gianni Versace. Je me suis mis à tout acheter chez lui. Gianni, il était différent du reste des créateurs italiens, Giorgio Armani et les autres. C’était un maître, l’incarnation ultime de ce que devait être le futur. Quand je mettais ses vêtements, j’entrais dans une autre dimension. Versace, c’est une époque particulière dans le temps. On parle parfois de la Versace era, et c’était complètement ça. Je me souviens qu’un jour, mon pote le chanteur Luther Vandross – que Dieu bénisse son âme – m’a dit en rigolant qu’à chaque fois qu’il allait chez Versace, on lui répondait qu’il n’y avait plus rien dans sa taille parce que Mike Tyson avait tout acheté. Je me suis fichu de lui des tonnes de fois : « Dans tes rêves, tu pourras t’acheter ça ! Je serai toujours là avant toi ! »

É. Et puis vous avez fini par rencontrer Gianni...
MT. Au début des années 1990, je sortais avec Naomi Campbell, on s’était connus à une fête, grâce à des amis de La Nouvelle-Orléans. Elle me voyait porter toutes ces fringues Versace, et elle a fini par me lancer : « Je le connais bien, tu sais... » J’ai réagi du tac au tac : « Ça veut dire quoi ? Que tu lui parles ? – Bah, je travaille avec lui ! » Je n’en revenais pas. Pour me faire plaisir, elle a organisé un rendez-vous chez Gianni, sur Madison Avenue, à New York. Donatella, sa sœur, était là aussi. Naomi pourra dire que sans elle, rien ne se serait passé, mais je suis certain que j’aurais fait la connaissance de Versace d’une manière ou d’une autre, c’était écrit. Le jour où l’on s’est rencontrés, j’étais évidemment habillé en Versace. Je ressemblais à un vrai mannequin. Je voulais tout savoir sur sa vie. Je l’ai assailli de questions. Je lui ai notamment demandé quel avait été le premier vêtement qu’il avait confectionné dans sa carrière, et il m’a répondu que c’était une robe pour sa mère. On a déjeuné ensemble, ce jour-là, je n’oublierai jamais. Il était impressionnant de calme, de distinction. Quand il mangeait, il mettait sa cravate sur son épaule, c’était à la fois curieux et très chic. Gianni était suave, mais très compétiteur aussi. Je me retrouvais beaucoup en lui. Il voulait être meilleur que tout le monde. Il voulait battre, physiquement même, les autres créateurs. C’était son côté italien, j’imagine. Il m’a dit : « Je ne veux pas que tu portes autre chose que ma marque. Ne va pas porter du Armani ou autre chose, OK ? » Il m’a dit aussi : « S’il te plaît, n’achète plus jamais rien chez moi, je vais te faire moi-même tes costumes. » Il a dû me faire une quinzaine de costumes. Mais ça ne m’a jamais empêché de continuer à tout acheter en boutique, jusqu’au moindre slip. Quand je faisais les pesées avant le combat, j’étais très souvent en slip Versace. C’était mon truc pour me sentir à l’aise... Je voulais toujours plus de Versace. Vous savez quoi : au moment même où Gianni Versace était enterré, je me trouvais dans l’un de ses magasins en train d’acheter des fringues...

É. Vous étiez sexy en Versace ?
MT. Oh oui. C’est ça le truc, avec les fringues italiennes. Moi, je n’ai jamais été dans le baggy, même quand c’était la mode. J’ai toujours aimé les fringues près du corps, j’ai été partant pour me montrer... Ma femme m’en parle toujours. Elle me dit : « T’es pas trop serré comme ça, Mike ? » Bah non, c’est comme ça que je suis bien.

É. Quelle pièce de cette Versace era vous est la plus chère ?
MT. En 1991, au moment de la fameuse collection pop art, j’ai acheté un t-shirt de la marque avec les visages de Marilyn Monroe et de James Dean. J’ai dû le mettre cinq fois seulement. J’y tiens énormément, je ne veux pas prendre le risque de l’abîmer, ou qu’on me le vole...

É. Vous avez vraiment la peur d’être volé. Mais qui peut avoir l’idée de voler Mike Tyson ?
MT. Vous savez, au plus fort de ma carrière de boxeur, les gens faisaient tout pour me voler mes fringues. Partout où j’allais, et surtout en soirée, on me prenait quelque chose, la cravate, le nœud papillon, la veste... Les gens profitaient de mon ivresse. À la longue, pour ne plus prendre aucun risque, j’ai même fini par sortir sans veste.

É. Les gens revendaient ensuite les fringues qu’ils vous piquaient ?
MT. Non, je pense qu’ils les portaient. Je vais vous dire une chose : à mon sommet, j’étais vraiment le mec le mieux habillé de New York. J’étais l’incarnation de ce que les gens voulaient être. J’étais habillé comme ils rêvaient d’être habillés. Personne n’était mieux que moi, impossible. Donc oui, les gens voulaient porter mes fringues.

É. Et vous voilà, ce soir, habillé comme n’importe quel touriste de Floride en goguette.
MT. Je n’en ai plus rien à faire du bling-bling. Je ne porte plus mes vieux bijoux. Aujourd’hui, des types ont plusieurs millions de dollars autour du cou. Je ne vais pas mettre ma vieille caillasse et me taper la honte à côté d’eux... En plus, je suis le pire des maladroits. J’ai cassé un nombre incroyable de montres et de bijoux, dans ma vie. J’ai plongé dans ma piscine avec, je leur ai donné des coups sans faire exprès quand je les avais au poignet. Je suis une brute. Aujourd’hui, je ne porte plus que mon alliance. Avant, j’étais capable de lâcher 20 000 dollars pour une veste et 50 000 pour un manteau en fourrure. Je ne suis plus aussi dingue. Je me fiche de dire aux autres que je suis le meilleur parce que j’ai ce qui coûte le plus cher sur les épaules. Je n’achète même plus de Versace. Aujourd’hui, mes enfants se foutent de moi en me disant que je ne sais plus m’habiller. Ils pensent que Michael Jackson et Prince s’habillaient mieux que moi. Ils me tuent. Mais ils n’y connaissent rien...

É. Vous pensez que vous êtes devenu normcore ?
MT. C’est quoi, normcore ?

É. Un style de papa, un peu anodin, uniquement composé de basiques...
MT. Ça n’a absolument rien à voir avec moi, mon vieux. Tout récemment, j’étais en Arabie saoudite et j’en ai profité pour m’offrir quatre costumes Tom Ford. Je suis plus raisonnable aujourd’hui, mais je n’ai jamais lâché la mode. Aujourd’hui, dans mes maisons de Las Vegas et de Los Angeles, il n’y a que des fringues, partout. Quand je fais des séances photo, il faut toujours que j’aie un fer à repasser à portée de main, parce qu’on ne porte pas un costume italien avec une chemise froissée. D’ailleurs, je me suis plusieurs fois énervé avec mon attachée de presse parce que je n’avais pas de fer à repasser... Toutes ces belles fringues que je porte encore, elles sont là pour me rappeler pourquoi je me suis battu quand j’étais jeune. J’ai été traumatisé le jour où j’ai débarqué dans cette soirée, à Brooklyn, couvert de fientes de pigeon. Je me suis juré que plus jamais on ne se moquerait de moi.

Dans les meilleurs et les pires moments, sur le ring et en dehors, il a toujours eu l’obsession du style. À 56 ans, Mike Tyson raconte enfin ses goûts, ses folies, ses superstitions, ses rencontres, ses dépenses, et même ses hontes. Vertigineux.

Par Raphaël Malkin, à Boca Raton, Floride.
Article publié dans le numéro 10 de L'Étiquette.

À la toute fin de son célèbre De la boxe, court essai regroupant des articles publiés au cours des années 1980, Joyce Carol Oates, figure tutélaire de la littérature contemporaine, dit du noble art qu’il est le « théâtre tragique de l’Amérique ». Sur la scène de ce théâtre, elle place aussi un homme, un seul. « Son style sans équivoque sur le ring laisse à penser que ses griefs ont la force d’une catastrophe naturelle. En le regardant, on pense à cette vieille idée de la colère divine », écrit Joyce Carol Oates au sujet de Mike Tyson.

Ce dernier vient tout juste de rafler, par K.O. et rien d’autre, cinq titres consécutifs de champion du monde des poids lourds entre 1986 et 1990. Bardé de ces ceintures, il est une icône américaine. La suite sera ponctuée de bagarres, de drogues, d’arriérés d’impôts, de procès et de 3 ans de prison pour viol... Mais Mike Tyson ne cessera jamais de captiver un pays accroc aux destins chaotiques, et complexes. Dans la culture populaire américaine, il est évidemment le boxeur et le champion. Mais il est aussi le loser au zozotement enfantin et au tatouage honteux. Ces dernières années, contre toute attente, Mike Tyson est même devenu un drôle d’entrepreneur, à la tête d’un podcast très écouté, d’une boîte de cannabis légal et, un temps, à l’affiche d’une tournée de stand-up aux manières de grande confession.

Au fil de ses transformations, Mike Tyson a toujours eu l’obsession des apparences. Hier, il incarnait un bling-bling fier et sans scrupules, habillé au millimètre, frayant avec le grand monde, devant l’objectif de Bruce Weber, aux côtés de son ancienne fiancée Naomi Campbell ou à la table de son grand ami Gianni Versace. Aujourd’hui, toujours aussi fier, Mike Tyson s’affiche en costume trois pièces à la moindre occasion. Ce jour-là, confortablement lové sur le grand canapé blanc de sa villa, il feuillette un beau livre dans lequel s’enchaînent les photos en noir et blanc de sa jeunesse. « Regardez, j’étais quand même le mec le plus stylé du monde. Je l’ai toujours été », dit-il.

L’ÉTIQUETTE. Pourquoi ne portiez-vous que du noir sur le ring ?
MIKE TYSON. Ça a toujours été comme ça, dès mes débuts en pro, à 18 ans. Le noir, c’était harmonieux et en même temps, c’était très dur. Ça voulait dire que j’étais féroce, flippant. Ça montrait que je n’avais rien à faire des mecs d’en face, avec tout leur apparat flashy. Quand la cloche du premier round sonnait, je devenais un vrai enfoiré.

É. Vous aviez une routine particulière au moment de vous habiller avant le combat ?
MT. J’arrivais dans le vestiaire avec une heure d’avance. Je m’allongeais sur la table de massage ou par terre pour faire une sieste, et je m’habillais à la dernière minute. C’était toujours la même chose. Mon short, c’était un Everlast très basique. Mes chaussures, elles étaient fabriquées à la main par un chausseur de New York, T.O. Dey. Et je ne mettais jamais de chaussettes. Quand j’étais gamin, dans les rues de Brownsville, à Brooklyn, je n’avais pas de chaussettes, ni même de lacets à mes baskets, c’était mon truc, un fashion statement... Après, de manière très méticuleuse, on me bandait les poings, puis j’enfilais mes gants. J’étais prêt. Chez moi, tout était vraiment brut, sauvage. Ce qui comptait, c’était de cogner et rien d’autre. Mais après le combat, quand venait l’heure de la conférence de presse, je faisais toujours en sorte d’être chic. La guerre était finie.

É. Comment se sont forgés votre style et votre goût pour la mode ?
MT. Ça ne vient pas de mes parents. Je suis issu d’une famille qui n’avait rien et j’étais habillé comme un souillon. Mais j’ai grandi en rêvant, dans mon coin, de ressembler aux gamins des écoles privées de New York. Je voulais être comme eux, je voulais être le mieux habillé de Brooklyn. Vous voulez que je vous raconte une histoire ?

É. Bien sûr.
MT. C’est un truc important pour me comprendre... Je devais avoir 11 ou 12 ans, je passais mon temps à m’occuper de pigeons dans un refuge de mon quartier (Mike Tyson a toujours eu la passion des pigeons, « ils ont été ma première passion amoureuse » dira-t-il même, ndlr). Un jour, des gars plus vieux que moi qui traînaient dans le coin m’ont proposé d’aller à une fête avec eux. J’ai dit oui directement. Pour moi, c’était une première – les seules occasions que j’avais de sortir d’habitude, c’était pour aller à l’église avec ma mère. Mais il y avait un souci, je ne ressemblais vraiment à rien. À cause des pigeons, j’avais des plumes et des traces de fientes partout sur moi. Il fallait que je rentre chez moi, que je me douche et que je me change, au moins pour être propre. On m’a dit que je n’en avais pas le temps. Quand j’ai débarqué là-bas, tout le monde s’est fichu de moi. Ils étaient des dizaines à ricaner sur mon passage, j’avais l’impression qu’ils étaient des centaines... Les gens se demandaient qui était ce pouilleux. Je me suis mis à rire aussi, mais en vrai, c’était pour cacher mes larmes. J’avais honte. Un grand s’est alors approché de moi. Il m’a donné rendez-vous le lendemain au refuge pour pigeons. Je me suis présenté à l’heure dite, et il m’a emmené avec lui cambrioler des maisons du quartier. Puis, avec l’argent récupéré, on est allés m’acheter de beaux vêtements. Ce type m’a appris à me fringuer. Il m’a initié à la mode. Quand je suis retourné faire la fête à l’endroit où on s’était moqué de moi, les gens ne m’ont pas reconnu. Je n’étais plus le petit pouilleux de la dernière fois, ils pensaient que j’étais quelqu’un d’autre. J’avais un beau jeans, des baskets neuves et un polo. Soudainement, on m’admirait. Il faut que vous compreniez une chose : de mon temps, à Brooklyn, vous n’obteniez le respect qu’à la condition d’avoir du style.

É. Vous avez beaucoup volé pour vous acheter des vêtements ?
MT. Ça nous est arrivé pas mal de fois. On braquait des pavillons avec mes amis. On piquait aussi dans les magasins et puis on faisait les poches des gens dans le bus. On était tout-terrain. Avec ce que je piquais, j’achetais des tas de jeans : des Lee, des Jordache et des Gloria Vanderbilt... C’étaient les années 1980. Je ne pensais qu’aux vêtements, je parlais de mode sans arrêt. Vous ne vous rendez pas compte, c’était dingue.

É. Puis la boxe est devenue plus importante et vous avez emménagé chez votre entraîneur, Cus D’Amato, au nord de New York. Votre style a changé à son contact ?
MT. Moi, mes idoles de jeunesse, c’étaient les gangsters, les hors-la-loi comme le cowboy Billy the Kid. Mais pour Cus, Billy the Kid, c’était un clochard qui ne ressemblait à rien, avec des vieux foulards et des manteaux rapiécés. Il était désespéré que je me passionne pour lui. Cus disait qu’il fallait avoir l’air respectable en toute circonstance. Il ne jurait que par les costumes. Quand je n’étais pas sur le ring, il voulait que je sois toujours bien habillé. Un jour, pour lui faire plaisir, je me suis pointé avec une super veste. Il m’a demandé d’où elle venait, et je lui ai répondu que c’était un ami qui me l’avait offerte. « Il doit avoir beaucoup d’argent, ton ami ! » En vérité, j’avais simplement payé quelques dollars un type pour qu’il me vole la veste dans un grand magasin.


É. Que vous êtes-vous offert avec les cachets de vos premières victoires sur le ring ?
MT. Lors d’un voyage à Londres, j’ai acheté une chaîne en or pour 500 000 dollars chez le bijoutier Graff. C’était quand même pas mal, pour l’époque. Pour les fringues, quand je voulais être casual, j’allais chez Dapper Dan, sur la 125e rue, à Harlem. J’aimais traîner là-bas, parmi les gangsters, les dealers et les rappeurs, c’était la culture de la rue. Je me pointais généralement dans sa boutique en pleine nuit, vers 3 ou 4 heures du matin, à la sortie d’une boîte, un peu défoncé. Il y avait toujours des gens qui s’affairaient chez lui. J’entrais et je disais : « Est-ce que mon paquet est prêt ? » Je pouvais lâcher 10 000 dollars d’un coup. D’autres fois, je ne payais pas. J’ai fini par avoir une ardoise de près de 25 000 dollars chez Dapper Dan. Je ne l’ai remboursé qu’au bout de plusieurs années. Sorry, Dan. Quand les gens me voyaient avec du Dapper Dan sur les épaules, ils me demandaient si c’était du Gucci. Tout fier, je leur répondais que ça venait de Harlem, New York. À cette époque, je me foutais d’être sponsorisé par une marque. Jamais je n’aurais porté des vêtements que je n’aimais pas. Impossible. C’était mon image qui était en jeu.

É. Pourquoi c’était si important ?
MT. Toujours ce truc de Brooklyn. Le respect passe par les fringues. Moi, je voulais qu’on sache que j’avais de l’argent sans que j’aie à le dire, et il n’y avait rien de mieux que le style, pour ça...

É. Chez Dapper Dan, il y a surtout eu cette fameuse bagarre avec votre rival Mitch Green, une nuit de 1988.
MT. J’étais bon copain avec les gars de Public Enemy et, pour l’un de leurs concerts à New York, j’avais prévu de mettre une veste portant dans le dos une large broderie qui disait « Don’t Believe the Hype », l’un de leurs titres les plus connus. Dapper Dan devait la fabriquer. Un soir, très tard, j’ai débarqué à Harlem au volant de ma Rolls-Royce pour récupérer mon paquet. Au coin de la rue, je suis tombé sur Mitch Green, qui traînait là tous les jours. Mitch Green, c’était un célèbre boxeur du Bronx que j’avais difficilement battu quelques mois plus tôt lors d’un combat au Madison Square Garden. Après la défaite, sa carrière avait un peu piqué du nez... Il est venu directement me chercher des noises. Il pensait que je n’avais pas mérité ma victoire, qu’il était toujours plus fort que moi, ce genre de conneries. Et puis il s’est mis à m’agripper par la ceinture. J’ai cru qu’il voulait me faire les poches, alors je suis devenu extrêmement violent. Je lui ai envoyé un coup de poing en pleine poitrine. Il s’est écroulé par terre, et j’ai continué à le cogner. Je n’aime pas quand les gens essaient de me prendre quelque chose. C’est comme un réflexe, je me transforme. Je crois que c’est lié à mon enfance, quand on me frappait pour me faire les poches. Mitch Green était dans un sale état. Mais vous savez ce qui était le plus important, pour moi, ce soir-là ? Mes vêtements étaient impeccables malgré la bagarre.

É. À ce propos, vous dites que porter du rose vous donne envie d’en découdre.
MT. Le rose a une réputation particulière : d’ordinaire, on l’associe à quelque chose de féminin, de vulnérable. C’est faux. Il y a des siècles, le rose, comme le pourpre d’ailleurs, était la couleur des dynasties royales. C’est une couleur très virile. C’est celle des gens sans peur, des guerriers et des tueurs. Quand je porte un costume rose, ce qui arrive de temps en temps, c’est vrai, j’ai immédiatement envie de me battre. J’ai l’impression d’être un bad motherfucker. Je me sens fort, prêt à tout. Je suis la pire des panthères roses.

É. À cause de votre gabarit d’athlète, a-t-il été compliqué pour vous de trouver des costumes à la bonne taille ?
MT. Moi, je voulais avoir l’allure d’Arnold Rothstein, le gangster juif de New York qui a truqué les championnats de base-ball en 1919, ou bien celle de Lucky Luciano, qui a fondé les grandes familles mafieuses de la ville. Je lisais tout ce que je pouvais trouver à leur sujet afin de savoir ce qu’ils portaient. Quand j’ai commencé à avoir de l’argent, je me suis fait faire des costumes en tweed ou en laine sharkskin bien brillante. J’allais sur la 47e rue ou sur Canal Street, chez des tailleurs du quartier. Le haut de mon corps était bien plus épais qu’aujourd’hui, ce n’était pas facile de m’habiller. Je gueulais toujours : « Fais comme ça ! Non, pas comme ça ! » Au fil des victoires, je me suis mis à dépenser de plus en plus d’argent dans les costumes, et j’ai fini par découvrir Gianni Versace, complètement par hasard, dans une boutique où j’avais mes habitudes à Atlantic City, la ville des casinos, dans le New Jersey. Un jour, le patron, un Italien, m’a fait essayer un costume extraodinaire. Pour la première fois, je me sentais vraiment bien dans un costume de prêt-à- porter. J’ai demandé d’où il venait et mon ami m’a sorti le nom de Gianni Versace. Je me suis mis à tout acheter chez lui. Gianni, il était différent du reste des créateurs italiens, Giorgio Armani et les autres. C’était un maître, l’incarnation ultime de ce que devait être le futur. Quand je mettais ses vêtements, j’entrais dans une autre dimension. Versace, c’est une époque particulière dans le temps. On parle parfois de la Versace era, et c’était complètement ça. Je me souviens qu’un jour, mon pote le chanteur Luther Vandross – que Dieu bénisse son âme – m’a dit en rigolant qu’à chaque fois qu’il allait chez Versace, on lui répondait qu’il n’y avait plus rien dans sa taille parce que Mike Tyson avait tout acheté. Je me suis fichu de lui des tonnes de fois : « Dans tes rêves, tu pourras t’acheter ça ! Je serai toujours là avant toi ! »

É. Et puis vous avez fini par rencontrer Gianni...
MT. Au début des années 1990, je sortais avec Naomi Campbell, on s’était connus à une fête, grâce à des amis de La Nouvelle-Orléans. Elle me voyait porter toutes ces fringues Versace, et elle a fini par me lancer : « Je le connais bien, tu sais... » J’ai réagi du tac au tac : « Ça veut dire quoi ? Que tu lui parles ? – Bah, je travaille avec lui ! » Je n’en revenais pas. Pour me faire plaisir, elle a organisé un rendez-vous chez Gianni, sur Madison Avenue, à New York. Donatella, sa sœur, était là aussi. Naomi pourra dire que sans elle, rien ne se serait passé, mais je suis certain que j’aurais fait la connaissance de Versace d’une manière ou d’une autre, c’était écrit. Le jour où l’on s’est rencontrés, j’étais évidemment habillé en Versace. Je ressemblais à un vrai mannequin. Je voulais tout savoir sur sa vie. Je l’ai assailli de questions. Je lui ai notamment demandé quel avait été le premier vêtement qu’il avait confectionné dans sa carrière, et il m’a répondu que c’était une robe pour sa mère. On a déjeuné ensemble, ce jour-là, je n’oublierai jamais. Il était impressionnant de calme, de distinction. Quand il mangeait, il mettait sa cravate sur son épaule, c’était à la fois curieux et très chic. Gianni était suave, mais très compétiteur aussi. Je me retrouvais beaucoup en lui. Il voulait être meilleur que tout le monde. Il voulait battre, physiquement même, les autres créateurs. C’était son côté italien, j’imagine. Il m’a dit : « Je ne veux pas que tu portes autre chose que ma marque. Ne va pas porter du Armani ou autre chose, OK ? » Il m’a dit aussi : « S’il te plaît, n’achète plus jamais rien chez moi, je vais te faire moi-même tes costumes. » Il a dû me faire une quinzaine de costumes. Mais ça ne m’a jamais empêché de continuer à tout acheter en boutique, jusqu’au moindre slip. Quand je faisais les pesées avant le combat, j’étais très souvent en slip Versace. C’était mon truc pour me sentir à l’aise... Je voulais toujours plus de Versace. Vous savez quoi : au moment même où Gianni Versace était enterré, je me trouvais dans l’un de ses magasins en train d’acheter des fringues...

É. Vous étiez sexy en Versace ?
MT. Oh oui. C’est ça le truc, avec les fringues italiennes. Moi, je n’ai jamais été dans le baggy, même quand c’était la mode. J’ai toujours aimé les fringues près du corps, j’ai été partant pour me montrer... Ma femme m’en parle toujours. Elle me dit : « T’es pas trop serré comme ça, Mike ? » Bah non, c’est comme ça que je suis bien.

É. Quelle pièce de cette Versace era vous est la plus chère ?
MT. En 1991, au moment de la fameuse collection pop art, j’ai acheté un t-shirt de la marque avec les visages de Marilyn Monroe et de James Dean. J’ai dû le mettre cinq fois seulement. J’y tiens énormément, je ne veux pas prendre le risque de l’abîmer, ou qu’on me le vole...

É. Vous avez vraiment la peur d’être volé. Mais qui peut avoir l’idée de voler Mike Tyson ?
MT. Vous savez, au plus fort de ma carrière de boxeur, les gens faisaient tout pour me voler mes fringues. Partout où j’allais, et surtout en soirée, on me prenait quelque chose, la cravate, le nœud papillon, la veste... Les gens profitaient de mon ivresse. À la longue, pour ne plus prendre aucun risque, j’ai même fini par sortir sans veste.

É. Les gens revendaient ensuite les fringues qu’ils vous piquaient ?
MT. Non, je pense qu’ils les portaient. Je vais vous dire une chose : à mon sommet, j’étais vraiment le mec le mieux habillé de New York. J’étais l’incarnation de ce que les gens voulaient être. J’étais habillé comme ils rêvaient d’être habillés. Personne n’était mieux que moi, impossible. Donc oui, les gens voulaient porter mes fringues.

É. Et vous voilà, ce soir, habillé comme n’importe quel touriste de Floride en goguette.
MT. Je n’en ai plus rien à faire du bling-bling. Je ne porte plus mes vieux bijoux. Aujourd’hui, des types ont plusieurs millions de dollars autour du cou. Je ne vais pas mettre ma vieille caillasse et me taper la honte à côté d’eux... En plus, je suis le pire des maladroits. J’ai cassé un nombre incroyable de montres et de bijoux, dans ma vie. J’ai plongé dans ma piscine avec, je leur ai donné des coups sans faire exprès quand je les avais au poignet. Je suis une brute. Aujourd’hui, je ne porte plus que mon alliance. Avant, j’étais capable de lâcher 20 000 dollars pour une veste et 50 000 pour un manteau en fourrure. Je ne suis plus aussi dingue. Je me fiche de dire aux autres que je suis le meilleur parce que j’ai ce qui coûte le plus cher sur les épaules. Je n’achète même plus de Versace. Aujourd’hui, mes enfants se foutent de moi en me disant que je ne sais plus m’habiller. Ils pensent que Michael Jackson et Prince s’habillaient mieux que moi. Ils me tuent. Mais ils n’y connaissent rien...

É. Vous pensez que vous êtes devenu normcore ?
MT. C’est quoi, normcore ?

É. Un style de papa, un peu anodin, uniquement composé de basiques...
MT. Ça n’a absolument rien à voir avec moi, mon vieux. Tout récemment, j’étais en Arabie saoudite et j’en ai profité pour m’offrir quatre costumes Tom Ford. Je suis plus raisonnable aujourd’hui, mais je n’ai jamais lâché la mode. Aujourd’hui, dans mes maisons de Las Vegas et de Los Angeles, il n’y a que des fringues, partout. Quand je fais des séances photo, il faut toujours que j’aie un fer à repasser à portée de main, parce qu’on ne porte pas un costume italien avec une chemise froissée. D’ailleurs, je me suis plusieurs fois énervé avec mon attachée de presse parce que je n’avais pas de fer à repasser... Toutes ces belles fringues que je porte encore, elles sont là pour me rappeler pourquoi je me suis battu quand j’étais jeune. J’ai été traumatisé le jour où j’ai débarqué dans cette soirée, à Brooklyn, couvert de fientes de pigeon. Je me suis juré que plus jamais on ne se moquerait de moi.

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