Michael Jordan en costume

en costume Michael Jordan

On connaît son palmarès, ses statistiques, son aura. Mais on oublie souvent que le style contribua aussi à la légende de Michael Jordan. Au fait de sa gloire, le plus grand joueur de basket de l’histoire développa en effet un goût très personnel pour les costumes monstres, taillés sur mesure par un tailleur italien mais infiniment trop amples pour lui. Retour à Chicago, sur les traces d’un accident vestimentaire.

Par Raphael Malkin
Article originellement paru dans le numéro 2 de L'Etiquette

 

Sur East Walton Street, en plein cœur de Chicago, l'échoppe Burdi Clothing Fait Pâle figure aux côtés des enseignes de luxe. Ici, pas de mise en scène sophistiquées ou d’égéries sublimées. En vitrine sont posés quelques mannequins parés de velours. À l’intérieur, dans un décor glacial, des raques de costumes sous plastique sont alignés près des murs, comme chez les grossistes du Sentier. Et pourtant, Burdi Clothing est une institution à Chicago. «Nous avons toujours habillé les médecins et les banquiers de la ville, surtout les juifs et les Irlandais», s’enorgueillit ainsi Alfonso Burdi, le patron et tailleur de la maison, dans un grand sourire.

Dans le carnet de commande des Burdi figura aussi longtemps un client d’un autre genre, plus spectaculaire encore. Ainsi, de la fin des années 80 jusqu’au milieu des années 90, un homme portant un bouc fourni et répondant au nom de George Koehler se présentait chaque semaine chez Burdi Clothing. Systématiquement, il récupérait un lot de costumes, les chargeait dans sa berline puis prenait la direction des hauteurs de Chicago et quartier cossu d'Highland Park. Il s'arrêtait alors devant un large portail orné d’un immense «23». George Koehler était l’homme à tout faire de Michael Jordan, son chauffeur, son concierge. C’est lui qui assurait la liaison entre la star et Burdi Clothing. Et l'activité était chronophage. «Michael nous a acheté des centaines et des centaines de pièces, plastronne Rino Burdi, le fils de la maison. Il ne jurait que par nos costumes parce qu’il avait des envies très particulières. Michael a inventé son propre look. Il a fait quelque chose d’unique en son genre...»

 

Des retouches? Pas la peine.
En matière de style, Michael Jordan a toujours su ce qu’il voulait. Un jour, il confia ainsi au magazine In Style: «Je suis quelqu’un d’assez conservateur. J’aime les costumes. Porter un costume donne toujours de l’attitude.» Voilà pourquoi, alors que sa carrière avec les Chicago Bulls décollent, Michael Jordan repère les complets de Tim Grover, son préparateur physique et ami. Il lui demande naturellement où il se fournit. Mais Grover ne lâche rien. «Il ne voulait pas donner son secret, mais Michael insistait et Tim a fini par craquer et lui donner notre adresse, raconte fièrement Rino Burdi. C’est comme ça qu’un jour, Michael a débarqué chez nous.» Ce jour là, Jordan repart avec plusieurs blousons en cuir. Les semaines suivantes, il revient, toujours pour les blousons. Alfonso et Rino sont ravis, mais ils voient plus grand. Le père et le fils rêvent que la star porte un costume Burdi. Mais Michael Jordan, qui a l’habitude de s’endimancher que chez Bigsby and Kruthers, la boutique la plus chic de Chicago, décline systématiquement. «Il a fallu que nous soyons rusés. D’une certaine manière, nous avons piégé Michael», glisse Alfonso Burdi. Le tailleur profite en effet d’un passage en boutique du basketteur pour mesurer sa carrure. Puis, à partir de ce simple chiffre, il commence à confectionner une veste et un pantalon pour Jordan, qui n’a rien demandé.

L’atelier du clan Burdi est installé sous le marbre de la boutique. On y accède en empruntant un escalier long et abrupte. Il y a là des colonnes de tissus, et une collection de ciseaux en bronze signée «Weiss and Sons, Newark, New Jersey». C’est ici que les Burdi imaginent un costume en laine Loro Piana de couleur gris taupe pour Michael Jordan. La star culmine à un mètre et quatre-vingt-dix-huit centimètres, mais les Burdi choisissent de donner encore plus d’ampleur à leur création. Le costume sera trop ample, trop long, trop tout, mais pas grave. «Nous n’avions pas toutes les mesures, nous ne pouvions pas être très précis. Mais l‘idée était de faire les retouches dans un second temps, après le premier essayage», se souvient Rino Burdi. Le fiston tapote le plexiglas de son comptoir du bout des doigts. Puis il s’esclaffe: «On a tenté notre chance et derrière rien ne s’est passé comme prévu !»

Lorsque Michael Jordan retourne sur East Walton Street pour acheter de nouveaux blousons en cuir, Alfonso et Rino lui soufflent qu’ils ont taillé pour lui un costume. Jordan passe enfin en cabine, puis se présente face au miroir: les épaules lui donnent la forme d’une porte de chambre-forte, la veste glisse jusqu’à mi-cuisses, et le pantalon s’écrase sur le sol en un tas de plis. On explique alors au basketteur que des retouches seront nécessaires, bien sûr. Mais Michael Jordan Interrompt les Burdi: il se trouve très bien ainsi. Il veut le costume tel quel. «Il était catégorique, se souvient Alfonso Burdi. Il nous a expliqué que jusqu’ici, il ne s’était jamais vraiment senti à l’aise dans ses costumes parce que ces derniers étaient toujours trop courts à ses yeux. Il essayait d’allonger ses vestes en tirant dessus. Là, il donnait l’impression d’être enfin à son aise.» Dans cet entretien accordé au mensuel In Style en 1996, le basketteur confiait en effet: «Je me trouve fluet et je masque ça en portant des grandes tailles, avec des matériaux qui me drapent la silhouette. J’ai aussi toujours pensé que mes pieds étaient trop grands. Du coup, les pantalons larges me permettent de les faire paraître plus petits.» Michael Jordan commande immédiatement dix-sept exemplaires de cet étonnant costume. Et peu importe que les Burdi le supplient de raccourcir au moins le pantalon. «Pour nous, c’était impensable que l’on porte un costume comme ça... Nous avons accepté parce que c’était Michael, mais nous étions très embêtés. Ces costumes allaient porter nos noms, et ce n’était pas nous, ce n’était pas le style de la famille Burdi», soupire Alfonso.

Quand il parle, le tailleur laisse échapper un accent tout en rondeur. Alfonso Burdi est né à Bari, cette ville posée sur une falaise de calcaire, au bord de la mer Adriatique, et a grandi dans un famille de tailleurs. «À l’époque, tout se faisait à la main, sans machine. Les gens comptaient sur les tailleurs, comme mon père, pour avoir l’air beaux. Ce qu’il faisait était un art prestigieux», lance Alfonso Burdi d’un coup de menton. À 17 ans, le jeune Burdi choisit naturellement de marcher dans les pas de son père. Il fait ses armes à Lugano, en Suisse, chez Rosenstein Customs Tailors, une maison courue par les banquiers helvètes. Il est ensuite consacré tailleur par la loge de Bari. Alfonso Burdi porte des costumes clairs en été, et d’impressionnants polo coats en hiver. Il aime fumer et a l’habitude de tenir sa cigarette le poing fermé. En 1963, en compagnie de sa femme, la charmante Rosa, Alfonso tente l’aventure américaine. À Chicago, il se trouve rapidement du boulot chez le tailleur le plus illustre de la ville, Celano. Dans cette boutique lambrissée située sur North Michigan Avenue, Alfonso Burdi habille déjà quelques personnages d’importance parmi lesquels Salvatore «Sam the Cigar» Giancana et Tony «Big Tuna» Accardo, parrains de la mafia locale. Plus tard, il ouvre sa propre affaire, «Chez Alfonso», dans un cagibi décoré d’un simple miroir verni de poussière. Sur sa vitrine, le tailleur fait installer un écriteau en néons annonçant «costumes sur mesure italiens». Alfonso Burdi se gonfle d’orgueil: «Les gens savaient que les Italiens étaient les meilleurs tailleurs. Cette pancarte m’a aidé à me faire connaître!» Avec le succès, l’enseigne devient Burdi Clothing, et déménage dans des espaces de plus en plus spacieux.

 

Le rouge parfait
Un peu circonspects, les Burdi travaillent d’arrache-pied pour concevoir les dix-sept costumes commandés par Michael Jordan. Et sitôt les costumes sont-ils livrés à Highland Park que le basketteur en redemande. Encore et encore. Sa passion pour les costumes Burdi confine presque au fétichisme. Très souvent, la star fait le déplacement jusqu’à East Walton Street pour compulser les liasses de tissus à disposition. Le numéro 23 affectionne tout particulièrement la laine des vigognes, ces lamas à poil ras. Il a aussi un faible pour les cotons du fabricant anglais Holland and Sherry. Sur tous les costumes de Jordan, on retrouve la signature discrète des Burdi: un bouton unique au niveau de la manchette.

Quelques discrets ajustements sont effectués au fil du temps. «À force de regarder les matchs de Michael, j’ai remarqué qu’il avait les jambes arquées. J’ai donc modifié le bas de ses pantalons pour que cela ne se voie pas», note ainsi Alfonso Burdi. Le tailleur est tellement absorbé par son travail que parfois, pendant les essayages, il ne se rend pas compte qu’il pique les cannes de Sa Majesté avec ses aiguilles. «Michael me criait dessus gentiment: “Pops, faites attention, je dois jouer demain!”» Soudainement, Jordan est salué et reconnu pour son allure. Un jour, il envoie Rino Burdi à New York récupérer en son nom un prix célébrant son style si personnel. À Chicago, quelques-uns de ses coéquipiers, comme son fidèle lieutenant Scottie Pippen ou l’ogre australien Luc Longley, viennent demander aux Burdi de leur façonner des costumes semblables à ceux de Michael. «Qu’on le veuille ou non, Michael a crée une mode, martèle Reno Burdi. Le look extra-large de Michael s’est retrouvé partout en quelques mois.»

Michael Jordan se plaît à repousser les limites. Un jour, il commande aux Burdi un blazer fait dans un rouge sang semblable, au pigment près, à celui du légendaire taureau des Chicago Bulls. Pour satisfaire la demande, Alfonso et Rino doivent demander au tisseur Loro Piana de fabriquer un rouleau de tissu spécial. «Ils n’avaient jamais fait de rouge comme ça. Pour l’obtenir, ils ont dû nettoyer de fond en comble leurs machines et leurs cuves. Il fallait être certain que rien ne puisse contaminer le rouge», se souvient Rino Burdi. Naturellement, à chaque fois qu’il s’adresse au monde, Michael Jordan parade en Burdi. Le 6 octobre 1993, lorsqu’il annonce sa retraite, il arbore un complet de couleur crème. Le 19 mars 1995, le voici en gris, motif prince de Galles, pour dire qu’il revient sur les parquets. Le 13 janvier 1999, pour annoncer une nouvelle fois sa retraite, il porte cette fois un complet noir comme la nuit. C’est l’un des tous derniers costumes faits pour Jordan par les Burdi. Quelques mois plus tard, la star quittera Chicago pour rejoindre Washington, et effectuer une dernière pige. Mais plus rien ne sera comme avant, sur les parquets et en dehors.

 

On connaît son palmarès, ses statistiques, son aura. Mais on oublie souvent que le style contribua aussi à la légende de Michael Jordan. Au fait de sa gloire, le plus grand joueur de basket de l’histoire développa en effet un goût très personnel pour les costumes monstres, taillés sur mesure par un tailleur italien mais infiniment trop amples pour lui. Retour à Chicago, sur les traces d’un accident vestimentaire.

Par Raphael Malkin
Article originellement paru dans le numéro 2 de L'Etiquette

 

Sur East Walton Street, en plein cœur de Chicago, l'échoppe Burdi Clothing Fait Pâle figure aux côtés des enseignes de luxe. Ici, pas de mise en scène sophistiquées ou d’égéries sublimées. En vitrine sont posés quelques mannequins parés de velours. À l’intérieur, dans un décor glacial, des raques de costumes sous plastique sont alignés près des murs, comme chez les grossistes du Sentier. Et pourtant, Burdi Clothing est une institution à Chicago. «Nous avons toujours habillé les médecins et les banquiers de la ville, surtout les juifs et les Irlandais», s’enorgueillit ainsi Alfonso Burdi, le patron et tailleur de la maison, dans un grand sourire.

Dans le carnet de commande des Burdi figura aussi longtemps un client d’un autre genre, plus spectaculaire encore. Ainsi, de la fin des années 80 jusqu’au milieu des années 90, un homme portant un bouc fourni et répondant au nom de George Koehler se présentait chaque semaine chez Burdi Clothing. Systématiquement, il récupérait un lot de costumes, les chargeait dans sa berline puis prenait la direction des hauteurs de Chicago et quartier cossu d'Highland Park. Il s'arrêtait alors devant un large portail orné d’un immense «23». George Koehler était l’homme à tout faire de Michael Jordan, son chauffeur, son concierge. C’est lui qui assurait la liaison entre la star et Burdi Clothing. Et l'activité était chronophage. «Michael nous a acheté des centaines et des centaines de pièces, plastronne Rino Burdi, le fils de la maison. Il ne jurait que par nos costumes parce qu’il avait des envies très particulières. Michael a inventé son propre look. Il a fait quelque chose d’unique en son genre...»

 

Des retouches? Pas la peine.
En matière de style, Michael Jordan a toujours su ce qu’il voulait. Un jour, il confia ainsi au magazine In Style: «Je suis quelqu’un d’assez conservateur. J’aime les costumes. Porter un costume donne toujours de l’attitude.» Voilà pourquoi, alors que sa carrière avec les Chicago Bulls décollent, Michael Jordan repère les complets de Tim Grover, son préparateur physique et ami. Il lui demande naturellement où il se fournit. Mais Grover ne lâche rien. «Il ne voulait pas donner son secret, mais Michael insistait et Tim a fini par craquer et lui donner notre adresse, raconte fièrement Rino Burdi. C’est comme ça qu’un jour, Michael a débarqué chez nous.» Ce jour là, Jordan repart avec plusieurs blousons en cuir. Les semaines suivantes, il revient, toujours pour les blousons. Alfonso et Rino sont ravis, mais ils voient plus grand. Le père et le fils rêvent que la star porte un costume Burdi. Mais Michael Jordan, qui a l’habitude de s’endimancher que chez Bigsby and Kruthers, la boutique la plus chic de Chicago, décline systématiquement. «Il a fallu que nous soyons rusés. D’une certaine manière, nous avons piégé Michael», glisse Alfonso Burdi. Le tailleur profite en effet d’un passage en boutique du basketteur pour mesurer sa carrure. Puis, à partir de ce simple chiffre, il commence à confectionner une veste et un pantalon pour Jordan, qui n’a rien demandé.

L’atelier du clan Burdi est installé sous le marbre de la boutique. On y accède en empruntant un escalier long et abrupte. Il y a là des colonnes de tissus, et une collection de ciseaux en bronze signée «Weiss and Sons, Newark, New Jersey». C’est ici que les Burdi imaginent un costume en laine Loro Piana de couleur gris taupe pour Michael Jordan. La star culmine à un mètre et quatre-vingt-dix-huit centimètres, mais les Burdi choisissent de donner encore plus d’ampleur à leur création. Le costume sera trop ample, trop long, trop tout, mais pas grave. «Nous n’avions pas toutes les mesures, nous ne pouvions pas être très précis. Mais l‘idée était de faire les retouches dans un second temps, après le premier essayage», se souvient Rino Burdi. Le fiston tapote le plexiglas de son comptoir du bout des doigts. Puis il s’esclaffe: «On a tenté notre chance et derrière rien ne s’est passé comme prévu !»

Lorsque Michael Jordan retourne sur East Walton Street pour acheter de nouveaux blousons en cuir, Alfonso et Rino lui soufflent qu’ils ont taillé pour lui un costume. Jordan passe enfin en cabine, puis se présente face au miroir: les épaules lui donnent la forme d’une porte de chambre-forte, la veste glisse jusqu’à mi-cuisses, et le pantalon s’écrase sur le sol en un tas de plis. On explique alors au basketteur que des retouches seront nécessaires, bien sûr. Mais Michael Jordan Interrompt les Burdi: il se trouve très bien ainsi. Il veut le costume tel quel. «Il était catégorique, se souvient Alfonso Burdi. Il nous a expliqué que jusqu’ici, il ne s’était jamais vraiment senti à l’aise dans ses costumes parce que ces derniers étaient toujours trop courts à ses yeux. Il essayait d’allonger ses vestes en tirant dessus. Là, il donnait l’impression d’être enfin à son aise.» Dans cet entretien accordé au mensuel In Style en 1996, le basketteur confiait en effet: «Je me trouve fluet et je masque ça en portant des grandes tailles, avec des matériaux qui me drapent la silhouette. J’ai aussi toujours pensé que mes pieds étaient trop grands. Du coup, les pantalons larges me permettent de les faire paraître plus petits.» Michael Jordan commande immédiatement dix-sept exemplaires de cet étonnant costume. Et peu importe que les Burdi le supplient de raccourcir au moins le pantalon. «Pour nous, c’était impensable que l’on porte un costume comme ça... Nous avons accepté parce que c’était Michael, mais nous étions très embêtés. Ces costumes allaient porter nos noms, et ce n’était pas nous, ce n’était pas le style de la famille Burdi», soupire Alfonso.

Quand il parle, le tailleur laisse échapper un accent tout en rondeur. Alfonso Burdi est né à Bari, cette ville posée sur une falaise de calcaire, au bord de la mer Adriatique, et a grandi dans un famille de tailleurs. «À l’époque, tout se faisait à la main, sans machine. Les gens comptaient sur les tailleurs, comme mon père, pour avoir l’air beaux. Ce qu’il faisait était un art prestigieux», lance Alfonso Burdi d’un coup de menton. À 17 ans, le jeune Burdi choisit naturellement de marcher dans les pas de son père. Il fait ses armes à Lugano, en Suisse, chez Rosenstein Customs Tailors, une maison courue par les banquiers helvètes. Il est ensuite consacré tailleur par la loge de Bari. Alfonso Burdi porte des costumes clairs en été, et d’impressionnants polo coats en hiver. Il aime fumer et a l’habitude de tenir sa cigarette le poing fermé. En 1963, en compagnie de sa femme, la charmante Rosa, Alfonso tente l’aventure américaine. À Chicago, il se trouve rapidement du boulot chez le tailleur le plus illustre de la ville, Celano. Dans cette boutique lambrissée située sur North Michigan Avenue, Alfonso Burdi habille déjà quelques personnages d’importance parmi lesquels Salvatore «Sam the Cigar» Giancana et Tony «Big Tuna» Accardo, parrains de la mafia locale. Plus tard, il ouvre sa propre affaire, «Chez Alfonso», dans un cagibi décoré d’un simple miroir verni de poussière. Sur sa vitrine, le tailleur fait installer un écriteau en néons annonçant «costumes sur mesure italiens». Alfonso Burdi se gonfle d’orgueil: «Les gens savaient que les Italiens étaient les meilleurs tailleurs. Cette pancarte m’a aidé à me faire connaître!» Avec le succès, l’enseigne devient Burdi Clothing, et déménage dans des espaces de plus en plus spacieux.

 

Le rouge parfait
Un peu circonspects, les Burdi travaillent d’arrache-pied pour concevoir les dix-sept costumes commandés par Michael Jordan. Et sitôt les costumes sont-ils livrés à Highland Park que le basketteur en redemande. Encore et encore. Sa passion pour les costumes Burdi confine presque au fétichisme. Très souvent, la star fait le déplacement jusqu’à East Walton Street pour compulser les liasses de tissus à disposition. Le numéro 23 affectionne tout particulièrement la laine des vigognes, ces lamas à poil ras. Il a aussi un faible pour les cotons du fabricant anglais Holland and Sherry. Sur tous les costumes de Jordan, on retrouve la signature discrète des Burdi: un bouton unique au niveau de la manchette.

Quelques discrets ajustements sont effectués au fil du temps. «À force de regarder les matchs de Michael, j’ai remarqué qu’il avait les jambes arquées. J’ai donc modifié le bas de ses pantalons pour que cela ne se voie pas», note ainsi Alfonso Burdi. Le tailleur est tellement absorbé par son travail que parfois, pendant les essayages, il ne se rend pas compte qu’il pique les cannes de Sa Majesté avec ses aiguilles. «Michael me criait dessus gentiment: “Pops, faites attention, je dois jouer demain!”» Soudainement, Jordan est salué et reconnu pour son allure. Un jour, il envoie Rino Burdi à New York récupérer en son nom un prix célébrant son style si personnel. À Chicago, quelques-uns de ses coéquipiers, comme son fidèle lieutenant Scottie Pippen ou l’ogre australien Luc Longley, viennent demander aux Burdi de leur façonner des costumes semblables à ceux de Michael. «Qu’on le veuille ou non, Michael a crée une mode, martèle Reno Burdi. Le look extra-large de Michael s’est retrouvé partout en quelques mois.»

Michael Jordan se plaît à repousser les limites. Un jour, il commande aux Burdi un blazer fait dans un rouge sang semblable, au pigment près, à celui du légendaire taureau des Chicago Bulls. Pour satisfaire la demande, Alfonso et Rino doivent demander au tisseur Loro Piana de fabriquer un rouleau de tissu spécial. «Ils n’avaient jamais fait de rouge comme ça. Pour l’obtenir, ils ont dû nettoyer de fond en comble leurs machines et leurs cuves. Il fallait être certain que rien ne puisse contaminer le rouge», se souvient Rino Burdi. Naturellement, à chaque fois qu’il s’adresse au monde, Michael Jordan parade en Burdi. Le 6 octobre 1993, lorsqu’il annonce sa retraite, il arbore un complet de couleur crème. Le 19 mars 1995, le voici en gris, motif prince de Galles, pour dire qu’il revient sur les parquets. Le 13 janvier 1999, pour annoncer une nouvelle fois sa retraite, il porte cette fois un complet noir comme la nuit. C’est l’un des tous derniers costumes faits pour Jordan par les Burdi. Quelques mois plus tard, la star quittera Chicago pour rejoindre Washington, et effectuer une dernière pige. Mais plus rien ne sera comme avant, sur les parquets et en dehors.

 

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